mardi 27 mai 2008

The Purple Rose of Cairo

J'aime le cinéma du matin, les portes à battants de verre vont s'ouvrir et douze ou treize âmes patientent calmement dans l'ombre de la vieille bâtisse municipale, leur carte de fidélité à la main. Les visages ne sont pas forcément familiers, mais une certaine connivence se dessine déjà. Ticket acheté, on fait mine d'écouter la direction de la salle, on sourit, on monte silencieusement les escaliers ; une fois enfoncé dans mon fauteuil je pourrais regarder ma vie ou celle des autres pendant des heures, et souvent, je pleure ; plus tard, j'essuierai mes yeux avec le vent de onze heures, et j'irai jusqu'à Arts et Métier à vélo, manger une brioche à l'un des chinois de la rue Volta.

J'aime la séance de l'après-midi, quand le noir vient griffer le jour bruyant, bonjour, quel film n'est pas encore commencé ? Peut-être des rires, peut-être des sanglots, mon film passe de l'autre côté du canal, j'emprunte donc le bateau. La bateau pour aller au cinéma, c'est déjà du cinéma, capitaine Willard s'enfonçant au cœur des ténèbres, Jack Dawson faisant le malin un pied sur la proue et l'autre au dessus des flots. Dans le complexe, des employées fraîchement maquillées disposent des sucreries sur la banque et des crèmes glacées sur le comptoir, un joli couple de personnes âgées va bientôt se noyer dans les sous-titres, deux jeunes se sont échappés de la surveillance parentale, coût de l'opération : neuf euros et soixante centimes chacun pour une heure et trente minutes de baisers. Un peu plus tard, un papa désemparé tente de réconforter ses deux petites filles : le dinosaure s'est effectivement jeté du haut de la falaise, mais il s'en est sorti, c'est sûr.

J'aime le film du soir, quand un groupe de grands gosses qui piaffent en plongeant leurs mains dans des pleins seaux de pop-corn s'esclaffent à propos du dernier film vu, miment ce que l'on imagine du suivant, on rougit en suggérant les courbes d'une actrice australienne, la voix s'enfle à l'évocation d'un héros d'une autre planète, plus tard on essaiera de faire silence mais pour l'instant la parole se fait flot. Epaule contre épaule, on arrive à viser une place, écartant du pied les débris alimentaires des spectateurs de la séance précédente, dans l'amphithéâtre maté par la moquette ignifugée. Plus tard, je rentrerai par le dernier métro, et j'essaierai de chasser de mon esprit le visage de la jolie comédienne.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bon, bref, tu aimes le ciné quoi...
Et les jolies comédiennes... Etonnant!!?

Anonyme a dit…

Pour moi, aujourd'hui c'était séance du soir, celle que je préfère, je crois. Celle de l'après-midi m'angoisse parfois , celle du matin me tente rarement...

Anonyme a dit…

Pourquoi effacer de ton esprit le visage de la comédienne si elle est jolie ?

Fabien Perret a dit…

ton texte est très beau
fab

Anonyme a dit…

Tout est beau et ciselé.
j'ai choisi le titre - et la place de mon commentaire - pour sa couleur.
A l'approche de l'hiver - mais est-ce bien l'hiver entre Paris et Dijon ? - ne pourrais-tu ajouter une pièce à ton florilège, une fleur à ton bouquet ?