samedi 3 mai 2008

La modification

Il est encore tôt, et vous êtes déjà debout. Vous aimez le matin blanc, la fraîcheur de l'air sur vos pieds, le tintement de la vaisselle, faire du thé.

La matinée s'annonce claire, vous en profitez pour vous mettre au travail, car vous avez une poignée de jours pour écrire quelques dizaines de pages sur une somme d'ouvrages comme L'Ethique protestante ou l'esprit du capitalisme. Ce n'est pas évident, mais comme vous vous dites que ça ira, alors vous n'avez pas d'inquiétude.

Le four à micro-ondes a retenti six fois, l'eau de votre tasse jaune a frémi ; vous posez ouvert et à même le sol Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot pour atteindre la cuisine, et vous plongez la boule métallique emplie de ce thé parfumé aux agrumes que vous a fait connaître votre cousine il y a dix ans et demi, tout en vous disant que c'est surprenant de se rappeler de choses aussi précises. La boite du thé fin de ce matin, c'est celle que vous a offert votre camille, une boite que vous garderez quand elle sera vide.

Dans quelques minutes, le soleil aura doublé le faîte du toit opposé, et commencera à chauffer votre visage à travers le double vitrage de la porte-fenêtre blanche : vos pensées se perdront entre votre dîner d'hier soir et un moment d'activité physique demain matin, tout en continuant à vous demander quelles sont Les métamorphoses de la question sociale. Vous plisserez un peu les yeux pour lire votre écran d'ordinateur, vous entendrez les pleurs d'un enfant interrompre le piaillement d'un oiseau, et une brise passagère enverra le rideau transparent caresser votre cuisse droite.

Quand vous en aurez assez de Régimes d'historicité : présentisme et expériences du temps, vous irez refaire une tasse de thé sans changer le contenu de la boule -même s'il risque d'être un peu moins parfumé-, et vous oublierez pour quelques instants vos résolutions du lever pour sortir quelques sons d'un des instruments qui traînent dans votre petit appartement. Vibration calme et rêveuse dans l'immeuble endormi.

En fin de matinée, Le révisionnisme en histoire : problèmes et mythes ne vous intéressera plus beaucoup, le soleil aura franchi votre propre toit, et vous irez vous perdre au centre commercial de la grand'ville d'à côté, passer du silence absolu à la masse grouillante de vos contemporains énervés.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Enfin des nouvelles fraiches!!!!!!!!

Hyper serieux tes lectures... J'avoue que je n'aurais pas tenu aussi longtemps! Chapeau bas pour le courage!
Je crois que je préfère la masse grouillante, contrairement à toi...surtout quand je sus encore au lit en ce dimanche matin.
Aller hop! Zou! j'ai rendez-vous avec une partie de la masse grouillante de cet univers parisien!
Bonne vie Arto!

Anonyme a dit…

Au fait, avec tous ces livres engloutis, à quand une oeuvre perresienne?