lundi 31 mars 2008

De fire Temperamenter

Semaine dernière : un orchestre parisien m'appelle pour que je complète leur effectif le temps d'un concert. Joie, bonheur, et tout ce genre de chose, j'adore l'orchestre. D'ailleurs, au moment où je vous parle, j'écoute une symphonie de Carl Nielsen, compositeur danois qui n'a qu'un seul défaut : il n'est pas très connu, le con.

Les répétitions d'orchestre, c'est le bonheur de jouer du répertoire, mais c'est également l'occasion de revoir les copains, ceux que l'on ne voit qu'aux répétitions d'orchestre : petit déjeuner au bistrot du coin de la rue avant la générale, restaurant avant le concert et quelques verres après, on a vite fait de griller le cachet à coup d'onglets, de pintes ou de croissants au beurre, mais on ne va quand même pas jouer le ventre vide, nom de dieu d'nom de dieu...

Veille du concert, je rappelle mon pote pour la neuvième fois de la semaine, et ça sera noeud papillon. Des fois, c'est cravate, mais là c'est noeud pap'. Et là, m'ames-messieurs, s'engage le challenge le plus ahurissant du mois : repasser une chemise blanche. Parce que s'enquiller une symphonie ou un concerto, c'est de la gnognotte à côté de ce qui m'attend : faire passer un bout de coton de la froissitude à la lissitude. Si je puis dire.

Déjà, il faut trouver le fer à repasser. Ensuite, se rappeler sur quel cran il faut mettre la molette pour que ça ne sente le roussi -la planche, ça va, je sais où elle est, je me la prend sur le coin du nez chaque fois que j'ouvre la penderie. Une demi-heure et une dernière écoute de Ravel plus tard, la chose mollassonne qui pendouille sur le cintre devrait faire illusion.

Le concert se passe bien. Dans les morceaux où je ne joue pas, j'écoute des coulisses, papotage avec les régisseurs, marche lente derrière la scène, je scrute les écrans vidéo, pénombre et couleurs des gélatines, on parle à mi-voix entre musiciens, de Ravel ou de Federer, du Tibet ou de téléphone portable, je fais essayer ma flûte à un pompier intrigué mais ravi : il sort un son, heureusement pendant un moment où l'orchestre joue plein pot.

Tonnerre d'applaudissements dans la salle, ça va être à nous. Les supplémentaires dont je suis font deux ou trois sons pour réveiller l'instrument, prennent l'air assuré et entrent à leur tour sur scène, on vise nos places, clins d'oeil aux copains, sourire du chef, son visage se fait grave, le bras se fige, le brouhaha retombe, le coeur bat, et zou, c'est parti...

mardi 25 mars 2008

Lost in La Mancha

Les toits de Dijon commencent à faner, je rassemble quelques affaires. Cinq étages plus bas, le bus est bloqué par une sorte de grue. Klaxon rauque, plein feu, rien n'y fait. Ma langue est un peu pâteuse.

Appelé un pote. Ne dormira pas chez lui. Appelé une amie. Dîne avec sa soeur. Je me retrouve seul dans une brasserie de chaises en mauvais bois et d'abats-jour blafards, de salières grises et de serviettes molles.

Le fond de la salle bafouille money for nothin' and chicks for free, je m'approche des toilettes, celles où se laver les mains est parfois moins confortable que de manger les mains sales. Penser à appeler Daniel pour déplacer le conseil.

Pour être moins seul, je prends le "Mont d'Or pour deux". Sa majesté la patate, une tonne de salade. Finalement, un couple entre, les voix résonnent dans l'échoppe vide.

- ... comment elle s'appelle, ta nouvelle meuf ?
- euh...

J'ai pas tellement envie de retourner sur internet, alors je mange. Un peu mal au bide, mais je mange, et puis c'est quand même bon, alors je mange. Le téléphone sonne : tant pis, je rappellerai. Je mange. Faire un mail au Conseil Général ; mon téléphone vibre, nouveau message.

- ... la famille, c'est ma hantise ; le pire, c'est la mère de ma belle-mère...

Dehors, quelques ombres flottent à travers la bruine neigeuse, capuches carrées et gants noués, têtes en avant. Le patron me rapporte gentiment une assiette, rab' de pommes de terre, retourne apprendre l'Equipe de la veille, flanqué sous des bouteilles de Ricard qui ont le cul en l'air. Appeler le prof de direction.

-... trop pas, on lui voit le string...

Pas de café, je reprends un coup de rouge, une bossa pleurniche derrière le bar, mais mon pot de pinot est fini. Je règle, je pars ; avec un peu de chance, je trouverai un vélo de libre.

-... faut pas trop que je boive, j'ai partiel demain...

Allez, bonsoir, messieurs-dame, amusez-vous bien. Vivement la fin de semaine : quitte à s'emmerder, autant s'emmerder chez soi.

samedi 22 mars 2008

Das Kapital

Ma petite ville que j'aime... mon village avec mes bars et mes toiles, mes plats du jour et mes vélos...

Quand je descends du T.G.V., j'ai toujours le même plaisir, celui de me retrouver chez moi. Vendredi soir, il y a un peu de monde dans la Gare de Lyon, mais je slalome patiemment entre les vilaines valises à roulettes qui tentent de me faire des croches-pieds pour vite plonger dans les souterrains ; de toute façon, je ne suis pas si pressé : je suis déjà chez moi.

Ca me fait parfois bizarre de me sentir aussi bien dans cette ville : je n'y ai pourtant pas grandi. Enfin si, quand même, j'y suis arrivé jeune : à 17 ans, le bac en poche, je suis arrivé dans cette mégapole que je n'approchais qu'une ou deux fois par an, à Noël ou pour Pâques... je me trompais alors de direction dans le métro, m'en rendant compte trois chapitres trop tard, je demandais mon chemin, j'arrivais en retard, il y avait même des gens de toutes les couleurs un peu partout ! Maintenant, je marche des heures en rêvassant, je frime dans toutes les langues pour renseigner trois japonaises et je saute du bus pour attraper un vélib', je vole d'un couloir de R.E.R. à un quai de métro...

La ville de la liberté, voilà ce que Paris a été pour moi, instantanément : je venais d'une petite ville à 16O kilomètres de là, révision du bac, pas sortir trop tard, tout le monde connaît plus ou moins tout le monde... A Paris, j'étais free as a bird, je ratais le dernier train pour dormir chez les copains, la tête sur une serviette éponge et le blouson comme couverture ; et si on veut se balader en bermuda à rayure ou se teindre les cheveux en bleu, personne ne vous regardera de travers.

Parfois, je m'y perds un peu : je suis un bourguignon né en région parisienne, et maintenant, je me sens parisien bien que travaillant à Dijon. Mais attention : un parisien fier d'être bourguignon ! De toute façon, un vrai parisien, c'est très rare. J'ai un ami qui en est un, si, si, j'en connais un. Mais c'est tellement rare, un vrai parisien, que le musée d'Orsay a voulu le louer, si, si...

jeudi 13 mars 2008

Casino

Crash, splash, plaf, et tout ce genre de chose. J'ai vautré hier soir une bouteille d'huile d'olive à la caisse du supermarché. Et croyez-moi : faites tomber du liquide vaisselle, du vin, un paquet de petits pois, ce que vous voulez, mais pas de l'huile d'olive.

Ca a fait une sorte de bruit mat, un peu étouffé, un bruit de verre lourd qui tente le coup face à un épais carrelage d'un bâtiment public, comme un son dont on couperait la résonance, forcément, les autres achats ont empêché l'huile de jouer au geyser islandais.

Il a donc fallu extirper d'un sac poisseux et partiellement déchiqueté du pain de mie ou des éponges, perforés ou en état, mais dégoulinant de toute façon d'un épais fluide jaunâtre et visqueux, incrustés de bouts de verre collants, tout cela dans une flaque grandissant à vue d'oeil ; et à l'heure où je vous parle, mes mains sentent encore l'huile d'olive.

Mode d'emploi pour se faire haïr de deux caissières, un employé de rayon et un gérant de supérette à quatre minutes de la fermeture, lorsque la machine à nettoyer et à sécher est passée entre tous les rayons, quand il n'y a plus qu'une caisse d'ouverte avec une file de clients qui se perd entre les boites de conserve et la purée en flocons : après avoir payé, soulevez rapidement vos achats en posant l'hypothèse que vous tenez au moins une poignée sur deux pour chacun des trois sacs que vous avez dans chaque main, et souhaitez chaleureusement une bonne soirée à tout ce petit monde. Si entre temps, le bruit sus-décrit s'est fait entendre, sachez que vous avez mal fait votre compte, et que votre dernière phrase va susciter une perplexité et un questionnement profond chez votre auditoire fatigué. Et là, je préfère vous prévenir, vous serez un peu seul au monde.

vendredi 7 mars 2008

La Cathédrale de Rouen

Retour à Dijon. Ici, l'ancienne Chambre de commerce, qui avait été installée dans l'ancienne église Saint Etienne, à côté de l'ancien théâtre, pas loin de la bibliothèque municipale qui est dans l'ancienne chapelle du collège des Godrans, et tout près d'un autre théâtre, dans l'ancienne église Saint Jean. Et voilà.

C'est ça, c'est l'aménagement durable, on recycle. Cela dit, il y a tellement d'églises à Dijon, et de plus en plus de brebis égarées, c'est plus ce que c'était, qu'il faut bien en faire quelque chose, de ces églises... Une chambre de commerce par ci, une bibliothèque par là, et un théâtre pour finir. Hop, ça y est, on sait à quoi ça sert, une église. C'est aussi ce qu'on appelle une église réformée.

Bon, cela dit, il y a quand même de quoi s'aimer les uns les autres (et je ne parle pas que de l'église évangélique des missionnaires). Les forces en présence ? Déjà, la petite famille (le prieuré Sainte Famille) : la chapelle Saint Joseph, bien charpentée, la cathédrale Notre-Dame, élégante, l'église de Jésus Christ, plutôt mimi, et également les petites soeurs (des pauvres, en l'occurrence) ;

Ensuite, quelques potes : Baptiste (l'église évangélique), Saint Jean le Théologien (l'église orthodoxe), Saint Vincent de Paul (la paroisse), Saint Bernard (une autre paroisse), Saint Bénigne (une autre église) ; et une copine, Marcelle Pardé (l'aumonerie) ;

Quelques cousins : El Khir (comme le Chanoine, dis-donc, mais là c'est une mosquée) et la synagogue (qui est rue de la Synagogue, bizarrement.)

Et puis, pour finir, quelques fans : les Bénédictines Adoratrices, quelques gugusses qui traînaient dans le coin mais qui jurent qu'ils n'ont rien vu (les témoins, mais jéhovah pas le rapport), ceux qui se plaignent tout le temps, les protestants (l'église évangélique).

Je n'ai pas fait le ratio nombre d'habitants/kilomètres carré/nombre de lieu de culte, mais il y en a vraiment pour tout les goûts : se recueillir, aller au théâtre, ou à la bibli. Bienvenue à Dijon !

mardi 4 mars 2008

Ocean greyness

Trois jours au bord de la mer, trois jours avec trois amies.

Et trois heures de T.G.V. pour un autre coin de France, en première classe avec des gens très très bien qui distillent les sourires avec parcimonie. Un sourire ne s'offre pas, il se négocie. Heureusement, d'autres personnes qui, comme moi, ont payé leur place en première moins chère qu'en seconde, partage joyeux de biscuits, de L'équipe, de coups de pied, les pintades à Figaro-Madame sont à la limite du malaise. 

Mais trois jours au bord de la mer, ça se mérite, et l'enjeu en valait la chandelle : milles de  belote, déchiffrage de musique de film, ciné et D.V.D. (d'ailleurs, saviez-vous que in Hartford, Hereford and Hampshire, hurricanes hardly ever happen ?), balades sur la plage, prises de judo incluses, fesses dans le sable et sable entre les fesses, légumes de prés salés et barbecue, lunettes de soleil et K-way... Au retour, je suis vraiment chez moi : seconde classe, blagues avec le contrôleur, un monde normal peuplé de gens normaux, quoi...

Trois jours au bord de la mer. Ou comment être content de ne pas être chez soi alors qu'on y est jamais. In Hartford, Hereford and Hampshire...